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Interface  n° 126 Mars 2012

● Éditorial : La dictature d'Internet

● R. Fox et la Société des Amis: une spiritualité de chrétiens "ressuscités" pour le 21e siècle? Interface

● Prier tous les jours ensemble à Maredsous en 2012 Interface

● Comptes rendus Interface

News

La Passion de Ligny: version 2012 Pour la saison 2012, l'équipe de la Passion de Ligny (qui se joue presque sans interruption depuis 1925!), a renouvelé certains acteurs, mais également quelques éléments de son texte sinon de sa scénographie. Le Fr. R.-Ferdinand Poswick a aidé l'équipe de Ligny à actualiser certaines formulations. À titre d'exemple: quand Jésus en croix dit "tout est consommé", il est évident que l'expression est un pur décalque du latin "consummatum est" qui était connu de tous par les textes liturgiques d'avant Vatican II! Mais, pour les oreilles sans culture religieuse d'aujourd'hui, le "consommé" est un "bouillon"! Après avoir essayé les mots "achevé" ou "accompli", on a proposé: "réalisé". "Tout est réalisé" semble mieux exprimer l'achèvement de la mission de Jésus faisant la volonté de son Père!

Prière de l'Internaute Dans une "Prière des Internautes" proposée par Theotokos.fr. et reproduite par le Journal dimanche à l'occasion de la Saint-Valentin, on trouve notamment les phrases suivantes que nous avons plaisir à rediffuser: "Préserve-moi de l'illusion virtuelle, que toujours je reste ancré(e) dans la réalité. Qu'à chaque instant je réalise, qu'au-delà de mon écran, se trouve le visage de l'un de tes enfants. Fais que je garde la juste mesure de l'outil Internet qui est juste un moyen de découverte et d'échanges avec mes frères. Que je ne perdre pas des heures dans une quête avide et fantasmagorique qui m'éloignerait de Toi et d'une vie responsable, assumée, engagée et féconde. Bénis mes échanges avec d'autres internautes, qu'ils soient riches de la joie d'être Tes enfants appelés au bonheur éternel! Que mes navigations soient toujours saines, honnêtes, respectueuses et dignes de Ton Amour! Amen."

Les bons plans de la FIBBC en informatique L'asbl belge SOCIALware a négocié avec certains fournisseurs d'outils informatiques comme Microsoft ou Symantec, la mise à disposition des Bibliothèques publiques reconnues de toute une série de produits destinés à être activés sur des ordinateurs accessibles publiquement dans ces bibliothèques. Sur ces produits, ils offrent une réduction de 96%!! La publicité vaut cher!

Google fait-il perdre la mémoire aux jeunes? On a déjà fait état des modifications au fonctionnement du cerveau des petits humains plongés dès leur jeune âge dans l'environnement de l'écriture électronique multimédia (voir Interface n°E-122, mars 2011, Éditorial). Philippe Lambert y revient dans un article de la revue Athena Mémoire: L'Effet Google (Athena, n°274, octobre 2011, pp. 34-37). Selon une étude de trois chercheurs anglo-saxons parue dans le magazine Science en août 2011, la mémoire des jeunes devient "transactive" plus qu'"accumulative". Mais, pour eux, seuls les supports de mémoire changent de nature en devenant numériques et multimédias. "Les mémoires externes nous permettent d'utiliser nos ressources cognitives de façon optimale" dit l'un de ces chercheurs, Steve Majerus, contre ceux qui pensent que les substrats neuronaux sous-tendant notre mémoire vont s'atrophier et que, de ce fait, l'intelligence humaine va régresser! Cette vision, si elle n'est pas fausse ne va pas encore suffisamment loin dans la définition de ce qui est spécifiquement humain dans la démarche de mémoire et qu'en français nous appelons le "souvenir". Comment s'assurer pédagogiquement que ce spécifique humain est développé correctement si l'on fait une confiance aveugle et non "critique" aux sources de connaissances disponibles à partir de toutes les ressources électroniques. L'exemple de la calculette est donnée "qui nous a déchargé de tâches parfois fastidieuses de calcul mental"; mais, si le souvenir n'a pas intégré les notions d'addition, de soustraction, de multiplication, de division, de pourcentage, de racine carrée, etc... on pourrait se retrouver en-deçà des connaissances acquises par "calcul mental"!

La Bibliothèque universelle de demain: ce ne sera pas Google-books? Le Courrier International n°1111 (16-22 février 2012) fait état du projet de Robert Darnton, directeur du réseau des Bibliothèques de l'université de Harvard qui a lancé un projet de bibliothèque universelle dont le premier fonds serait celui des bibliothèques de Harvard (16 millions de volumes). Il semble que l'aspect « public » et gratuit de l'accès soit ici opposé à la perspective trop commerciale de Google qui doit avant tout donner des dividendes à ses actionnaires!! De même, le projet de Harvard vise une qualité que Google ne semble pas toujours pouvoir fournir! Rendez-vous en 2013!

Machine à pondre des articles: robotisation du journalisme Le journalisme professionnel est-il en train de vivre ses dernières années? C'est ce que pourrait faire penser les algorithmes de création de contenus qui, sur base d'analyses statistiques et de quelques données brutes, sur base de canevas d'articles préprogrammés, peuvent rédiger des compte-rendus de match de football ou autres sports. Le contenu rédactionnel est très pauvre, mais il aligne les données récoltées automatiquement, de façon "lisible"! (voir Ira Basen, La machine à pondre des articles, dans Le Courrier International, n° 1091, 29 sept.- 5 oct. 2011, pp.43-47).

Éditorial:
La dictature d'Internet

De nouvelles "Règles de confidentialité" entrent en vigueur d'autorité et unilatéralement chez Google, le 1er mars 2012. Ce service d'accès très large à tout ce qui se présente de façon électroniquement visible sur Internet, est né gratuitement dans le garage de deux étudiants de Californie en 1996. En 1998, un financier visionnaire du groupe Sun leur fait un chèque de 100.000 US$ qui leur permet de créer une société. Et, dès 2004, ils entrent en Bourse en lançant une souscription pour 20 millions d'actions à 85 US$… Cela fait beaucoup d'argent. Mais il ne semble pas qu'ils aient eu difficulté à appeler cet argent. Pour le rentabiliser, il faut nécessairement grossir et faire du "retour sur investissement"!! D'où un foisonnement de nouveautés et de développements chaque année dont le plus important est évidemment celui de vendre de la publicité: dès 2005 leur AdWords permet de cibler les publicités en fonction des recherches de ceux qui utilisent ce moteur de recherche. Mais des personnalités y croient: Vint Cerf, un des créateurs de l'Internet et du Web, rejoint Google en 2005. 2005 encore: ils lancent Gmail. Puis, 2006, Picasa pour les images numériques et le rachat de YouTube pour les images mobiles. En 2008, c'est Google Health (la médecine et le conseil médical en ligne), mais également Streetview qui permet toutes les indiscrétions du voyeurisme citoyen. Et ainsi de suite…

Mais qui paye tous ces outils à accès "gratuit"? Deux milliards et demi d'internautes sur la planète tentent quotidiennement d'atteindre les informations qui sont données gratuitement ou avec payement dans plus de 500 millions de site web. S'il n'y en a qu'une petite partie qui paye à Google des droits, soit pour être référencés en priorité, soit pour signaler un lien "commercial" dans la colonne de droite, disons 5 millions d'annonceurs à 100 US$ l'annonce ou le deal commercial apportent déjà 500 millions d'US$ par contrat!

Mais Google est en train, parallèlement d'accumuler des sources d'information grâce à tous ceux qui leur font confiance à titre gratuit. Voici comment sont formulées les conditions générales de Google pour les contenus et services qui lui sont confiés: "En soumettant des contenus à nos Services… vous accordez à Google (et à toute personne travaillant chez Google) une licence dans le monde entier, d'utilisation, d'hébergement, de stockage, de reproduction, de modification, de création d'oeuvres dérivées ..., de communication, de publication, de représentation publique, d'affichage ou de distribution publique desdits contenus".

Face à une telle politique qui s'arroge tous les droits sans possibilité pour le contractant de "négocier" et de signer éventuellement un accord, l'utilisateur lambda est évidemment sans voix (au propre comme au figuré!!). Seuls quelques groupes corporatifs, comme les secteurs de la presse et de l'édition ont réagi dans le cadre du projet Google-Books qui garde cependant l'ambition de saisir optiquement les 45 millions de livres différents que l'on peut trouver dans les bibliothèques du monde pour les offrir à tous les internautes. Mais là, Google s'est heurté aux détenteurs des "droits d'auteur" et seuls 3 millions de titres qui sont hors droits d'auteur sont accessibles sur les 15 millions que Google dit avoir enregistré! Mais ce n'est qu'un petit frein, une résistance d'arrière-garde! Des grandes bibliothèque nationales ont signé ou signent actuellement des contrats autorisant la saisie et la distribution de titres (à quel prix?).

Tout cela ne ressemble-t-il pas fort à un "abus de position dominante": une énorme pieuvre technologique et financière contre des millions de petits "pigeons" qui nourrissent la pieuvre par le seul fait d'accéder à ses services? Mais tout le monde l'utilise. Le signataire, le premier!

Où aller d'autre? Les autres moteurs de recherche dans l'Internet copient Google pour tenter de faire mieux que lui! On pourrait être d'accord avec ce type de fonctionnement si, par ailleurs, ce type de nouveau "commerce" était contrôlé démocratiquement. Ce n'est pas le cas, car tout cela se fait à un niveau supra-national. Seuls des procès, toujours en retard sur les nouveaux développements, et qui se font au niveau de bassins économiques entiers (l'Europe, la Chine, l'Inde, etc) arrivent à infléchir quelque peu certaines pratiques. Mais, si on lui coupe un bras, la pieuvre en développe dix autres!!

Bonne recherche dans Google!

fr. R.-Ferdinand Poswick, o.s.b. Directeur d'I&B, asbl

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