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Interface  n° 105 Décembre  2006

● Éditorial: Bible et Pastorale: quel avenir?

● Avouez que toutes ces cruautés dans la Bible sont révoltantes! Interface

● Les journées bibliques de Leuven/Louvain (1-3 août 2006) Interface

● Féfération Biblique Catholique (FBC) ESO: rencontre à Malte Interface

● La mort de Johannes, cardinal Willebrands (1909-2006), fondateur de la FBC Interface

● Un achèvement : les Bases de données des Écrits et des Archives de S. Pierre-Julien Eymard Interface Interface

● La petite Belgique contre les Goliaths états-uniens Interface

Comptes rendus:
●  Quel avenir pour les Catholiques et leur Église?(septembre 2006) Interface
●  «Les Papes, l'Église et l'argent» Interface

News

Frederik G. Kilgour (1914-2006), un pionnier
Fondateur de lOCLC, Frederik G. Kilgour est décédé à Chapel Hill en Caroline du Nord (USA) le 31 juillet 2006. Bibliothécaire, historien et entrepreneur, il est le premier à avoir créé, à partir de l'Ohio College Library Center (nom originel de l'OCLC) un réseau informatique de catalogage pour les bibliothèques universitaires de l'État d'Ohio à partir de 1967. Il a fait construire à Dublin (Ohio) les impressionnants quartiers généraux de ce réseau bibliothéconomique qui relie aujourd'hui 57.000 institutions dans 112 pays sous le nom adapté de Online Computer Library Center (toujours OCLC). Les 113 premiers livres enregistrés «en ligne» (en réseau) le furent à l'Université d'Ohio en 1971, l'année-même où les FF. Eric de Borchgrave et Ferdinand Poswick commençaient à programmer pour réaliser la Table Pastorale de la Bible.
Il faut saluer ce pionnier et la réalisation exemplaire qu'il a initié. Je l'avais rencontré brièvement lors d'une visite au tout nouveau site de l'OCLC à Dublin (Ohio) au moment où I&B (alors ProBi), commençait à programmer et diffuser, entre 1983 et 1986, le programme de catalogage sur PC pour les bibliothèques, DEBORA-DOC.
C'est avec le Centre spécialisé de l'OCLC pour la micrographie, situé à Bethlehem (Pensylvania, USA) qu'I&B a réalisé (et continue de réaliser) d'importants travaux de microfilmage pour le compte de différentes Archives de Congrégations religieuses.

Bob Kraft à l'honneur au SBL-meeting de 2006
Notre ami, Robert A. Kraft, dit Bob, de l'Université de Pensylvania est mis à l'honneur au meeting annuel de la Society of Biblical Literature (SBL) qui se tient cette année à Washington, D.C., (18-21 novembre). Il est appelé à faire la très solennelle (et institutionnelle) Presidential Address lors de la première soirée sur le thème Para-mania : Beside, Before and Beyond «Bible Studies».
C'est l'occasion de signaler l'article fort intéressant de Bob Kraft (un de plus dans son abondante bibliographie que l'on peut trouver dans Internet) dans le volume 37 (2004) du Bulletin de l'IOSCS (International Organization for the Septuagint and Cognate Studies), pp. 1-28 sous le titre Reassessing the Impact of Barthélemy's Devanciers, Forty Years Later. À l'occasion du 40e anniversaire de la publication par le dominicain de Fribourg, Dominique Barthélemy, de Les devanciers d'Aquila. Première publication intégrale du texte des fragments du dodécaprophéton trouvé dans le désert de Juda, précédée d'une étude sur les traductions et recensions grecques de la Bible réalisées au premier siècle de notre ère sous l'influence du rabbinat palestinien, Brill, Leiden, 1963, Bob Kraft montre comment ce texte de Barthélemy a eu une influence décisive et irréversible, en relation avec les découvertes des manuscrits du désert de Juda (Qumrân et autres), pour l'ensemble de la recherche biblique contemporaine en manifestant des états du texte hébreu bien antérieurs à celui du texte reçu de la Bible massorétique ainsi que tout un processus de recensions successives en hébreu comme en grec.

Éditorial

Bible et Pastorale: quel avenir?

En septembre 2005, La Fédération biblique Catholique (FBC) a célébré, à Rome, par un Colloque important, le 40e anniversaire de la proclamation de la Constitution dogmatique Dei Verbum (La Parole de Dieu) du Concile Vatican II (18 novembre 1965).

Le mouvement biblique catholique, qui s'est développé surtout après la guerre de 1940-45, était, à cette occasion, intégré de façon explicite dans la dynamique-même du développement dogmatique et pastoral de l'Église. Cela donnera naissance, en 1969, à la création de la World Catholic Federation for the Biblical Apostolate (WCFBA, premier nom de la FBC), et confirmera ou lancera de nombreuses initiatives d'apostolat biblique dans un nombre croissant de pays.

La pratique en ce domaine fera vite prendre conscience aux acteurs de cette pastorale du fait que l'Apostolat biblique ne pouvait pas être mis sur le même pied qu'un «apostolat de la mer» ou «apostolat du tourisme» ou autres. Selon la vision de la Révélation et de ses traces bibliques que donnait Dei Verbum il s'agissait bien plus d'une animation biblique de l'ensemble de la pastorale de l'Église. C'est en ce sens que, dès 1984, comme membre de son Comité Exécutif, j'avais invité la FBC (alors encore WCFBA) à demander que le Pape consacre l'un des Synodes d'évêques, institués dans la foulée de Vatican II, à la Parole de Dieu et à sa place dans l'Église. Rappelé à chaque Assemblée Plénière de la FBC, depuis celle de Bangalore (1984), ce vœu fut encore reformulé avec vigueur par l'ensemble des évêques rassemblés à Rome pour le Colloque Dei Verbum en 2005 dans l'espoir qu'il arrive aux oreilles du Pape actuel.

C'est chose faite! Benoît XVI, le Pape théologien et philosophe, a décidé que le Synode d'octobre 2008 serait consacré à la Parole de Dieu!

Déjà les responsables de la FBC et leurs antennes régionales et nationales ont cet objectif en point de mire. Mais, intéressante coïncidence de dates, la 7e Assemblée Plénière de la FBC doit se tenir du 25 juin au 3 juillet 2008 à Dar-es-Salam, en Tanzanie.

Les orientations du Comité Exécutif et des Coordinateurs régionaux de la FBC quant au thème de cette Assemblée Plénière ont été prises avant la confirmation du Synode romain et en fonction des besoins spécifiques de l'Afrique où cette Assemblée se tient pour la première fois. Le thème choisi serait : La Parole de Dieu : source de réconciliation, de justice et de paix. Si ce thème est bien choisi pour la circonstance, il pourrait focaliser l'attention sur un seul des aspects de l'action de la Parole de Dieu dans l'Église et pour le monde d'aujourd'hui. Et donc, détourner l'attention d'autres aspects de cette présence de Dieu, à travers sa Parole, dans l'Église et pour le monde planétarisé du 21e siècle.

Pour le Synode romain sur la Parole de Dieu, il me semble donc important d'opérer à nouveau (comme au Colloque de septembre 2005), une évaluation courageuse de la mise en œuvre de la Constitution dogmatique Dei Verbum, d'une part, et, d'autre part, de faire un constat très clair de la façon dont le monde et la culture ont évolué durant le demi-siècle qui nous sépare de Vatican II. Cela permettra de déterminer de façon correcte quels types d'animation pastorale cette Parole de Dieu appelle avec le plus d'urgence pour le monde d'aujourd'hui… et de demain!

Trois facteurs nouveaux d'évolution me semblent dominer ce demi-siècle et constituent, à mes yeux, les défis majeurs auxquels est affrontée toute la pastorale de l'Église et plus particulièrement la Parole de Dieu qui doit en être le moteur.

Le premier, encore tellement inchoatif à l'époque de Vatican II qu'on ne pouvait même pas y penser, est le développement foudroyant de l'usage de l'électronique pour la communication humaine. Une nouvelle culture multimédiatique à base d'écriture électronique a investi la totalité du champs de la communication et tend aujourd'hui à se banaliser à travers le téléphone cellulaire portable relié à tous les réseaux du savoir et de la communication. Ce phénomène, et tout ce qui y est lié ou sousjacent, bouleverse les habitudes sociales et les relations personnelles, bien au-delà de ce que les «nouveaux moyens de communication sociale» ont pu faire durant les 60 premières années du 20e siècle. Ce phénomène rend la conscience planétaire plus réelle et effective en tout lieu. Il tend à remplacer le sens de l'histoire (constitutif de la tradition judéo-chrétienne) par l'urgence de l'instantanéité. Il substitue à la conscience d'incarnation, les réalités illusoires d'un monde «imagié» et virtuel. Une oralité nouvelle (seconde) tend à remplacer partout l'écrit (un autre fondement de la civilisation littéraire qui s'est développée autour du Livre). Si cette mutation prolonge et confirme les intuitions de Regis Debray (Dieu un itinéraire, 2001, la communication, la relation à la Parole de Dieu comme Écrit, la conscience et la pratique religieuses vont radicalement se modifier… et ce mouvement est déjà bien amorcé !!

Le second facteur nouveau, en partie accéléré par la mutation de la communication, est la construction de plus en plus consciente d'une gouvernance mondiale et planétaire: rapprochement des cultures, proximité des religions, migrations incessantes et massives, globalisation économique, soucis écologiques pour la sauvegarde commune de la biosphère planétaire. L'apport proprement chrétien dans ce mouvement «répandu partout» (cath-olos), la «spécificité chétienne», mériterait d'être clairement exprimée et vigoureusement mise en œuvre par tous les chrétiens. Cette spécificité, je la vois dans une proposition qui viserait à remplacer les cadres dépassés des nations et des populations juxtaposées sur un pied soi-disant démocratique d'égalité, par une articulation fonctionnelle entre différents types de communautés humaines, riches, chacune, d'un charisme particulier. N'est-ce pas la structure de développement d'un Corps telle que S. Paul l'a décrite?

Le troisième défi porte sur l'herméneutique de la Révélation judéo-chrétienne dans le cadre nouveau que laissent entrevoir les mutations en cours. Paradoxalement pour les professionnels de la Parole de Dieu et de l'Écriture Sainte, il y a lieu de remettre le véhicule spécifique et littéraire de cette Parole dans une perspective beaucoup plus ample, correspondant à ce que nous croyons comprendre des desseins du Dieu de Jésus: il se révèle d'abord par la création du monde – (qu'il confie à l'humain – ce qui est confirmé en Jésus, c'est-à-dire par l'incarnation, pour les chrétiens; et qui valorise ainsi toute quête authentiquement scientifique de connaissance et de développement humain de la maîtrise sur le créé); il se révèle ensuite par le déroulement de l'histoire telle qu'elle nous porte à travers les événements du monde, à titre collectif ou individuel (notamment les mutations en cours); il se révèle, enfin, – mais non sans la prise en compte intégrale des deux premières voies de la révélation –, par les «Saintes Écritures qui culminent en la personne de Jésus-Christ» (cf. J.-P. de Caussade, Traité de la Providence divine). Cette vision élargie de la Révélation rejoint d'ailleurs bien des propos de la Constitution conciliaire Dei Verbum et d'autres textes de Vatican II. La Bible a sa place, mais elle n'est qu'un des éléments constitutifs de la Révélation de Dieu à Abraham, à Jésus, à Muhamad, à Bouddha… ce Dieu qui est le créateur de l'humain, homme et femme, qu'il veut associer à sa Vie!

Voilà donc trois défis à relever pour une animation biblique de toute la Pastorale de l'Église (des Églises). Le Synode romain de 2008 devrait y être attentif ! On ne peut plus se contenter d'un intérêt pour les «méthodes de diffusion et de lecture» de la Bible, fussent-elles les plus intelligentes et les meilleures! Le bibliste doit devenir un révélateur du dessein de Dieu sur le monde et l'humanité. Ne sont-ce pas les Prophètes qui ont «fait» l'histoire biblique avant qu'on en garde une fragile trace écrite? Et, Jésus, n'était-il pas d'abord un Prophète… qui n'a rien écrit?

Fr. R.-F. Poswick, osb

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