Un témoin authentique?

Novembre 2022

     

Voir et/ou croire: comment fonctionne l'intelligence complète de l'humain?
Jean-Christian Petitfils, Le Saint Suaire de Turin. Témoin de la Passion de Jésus-Christ, Paris, Éditions Tallandier, Août 2022, 464 pages, ISBN 979-10-210-2941-5

Publié par une des plus anciennes et plus sérieuses Maisons d’Édition parisienne (reprise en 1901 par Jean Tallandier et affiliée en 1931 au groupe Hachette), spécialisée dans le domaine de l’Histoire, le livre de Jean-Christian Petitfils aurait pu être présenté indifféremment dans l’une des trois rubriques du présent Interface_2020!

Le sujet semble être avant tout “spirituel” puisqu’il porte directement sur “le” personnage qui est à l’origine des croyances et de la culture qui ont forgé, depuis plus de 2.000 ans, notre monde planètisé contemporain: Jésus le Nazarénien.

Mais il s’agit, en fait, des résultats, souvent très techniques, de toutes les recherches faites à ce jour sur cette importante languette de tissus de lin (environ 4,40 sur 1,10 mètres, centimètres) actuellement conservée à Turin et régulièrement présentée à la vénération des pèlerins et dévots. L’histoire, la philologie, les mathématiques et statistiques… et presque toutes les sciences physiques soutenues par des outils technologiques de plus en plus puissants depuis les premières “photographies” du chevalier Segondo Pia en 1898… tout est décrit avec conclusions à en tirer!

Il n’est pas nécessaire d’être croyant (… pas plus d’ailleurs qu’agnostique) pour trouver passionnant un tel bilan et pour être en mesure d’en faire une évaluation critique en toute liberté intellectuelle et, ensuite, être en situation de prendre les résultats donnés au même titre critique qu’on le ferait, avec les mêmes outils et les mêmes critères “scientifiques”, pour le corps d’une momie pharaonique de 2.000 ou 3.000 ans avant notre ère!

De Jésus de Nazareth, ne nous est restée aucune trace corporelle (ossements ou autres). Cette affirmation serait-elle encore valable si toutes les preuves sont un jour confirmées que ce que l’on peut encore voir imprimé sur le “linceul de Turin” donne une image, grandeur nature, du corps d’un supplicié, flagellé avec des flagra (de flagrum) romains et présentant une plaie péri-cardiaque qui ne peut être due qu’à une lancea romaine, et dont la mort doit remonter au début d’avril de l’an 33 de notre ère, supplicié-crucifié qui a été enseveli à cette date dans un linge de lin de très bonne qualité truffé de pollens et de résidus de plantes qu’on ne trouve qu’à cette saison de l’année en Palestine?

Croire que l’individu, représenté sur ce tissu de lin, est ressuscité, croire qu’il est le Fils du Dieu créateur dont le judéo-christianisme a témoigné depuis plus de 3.000 ans, est une autre démarche!

Ce qui est certain, c’est que cette bande de lin tissée selon des techniques moyen-orientales du 1er siècle de notre ère, est considérée comme une “relique” (= “ce qui reste”) très précieuse dont on connaît tout le parcours avec certitude, depuis son acquisition par le chevalier Geoffroy de Charny et ses ostentations dans la basilique qu’il avait construite à cet effet à Lirey en Champagne à partir de 1354-55 jusqu’à son acquisition par la Maison de Savoie avec déposition à Genève, puis à Chambéry et, enfin, à Turin en 1578.

Mais en recoupant tous les témoins actuellement connus (chroniques, correspondances, témoignages crédibles, représentations picturales, et autres), on peut, aujourd’hui, refaire un itinéraire à peu près certain de cette précieuse bande de lin de Jérusalem, au surlendemain de la crucifixion de Jésus de Nazareth, jusqu’à Chambéry, en passant par Édesse (aujourd’hui Urfa au Sud-Est de la Turquie), puis, assez longuement, par Constantinople (de 944 jusqu’à la prise de Byzance par les croisés au 13e siècle) et probablement dans les reliques pillées par ces croisés et emportées, dans un premier temps, à Athènes, avant de cheminer (on ne sait encore trop comment) jusqu’à Chambéry (en passant par la Sainte-Chapelle à Paris)!

Vient ensuite, depuis les photographies du chevalier Pia (1898), une batterie considérable d’études “technologiques” de l’objet. Parmi elles, celle qui a fait le plus de bruit, fut une tentative de datation de l’objet au carbone-14 dont les conclusions publiées par 3 laboratoires en 1984 tendaient à prouver que l’objet ne pouvait dater d’avant le 13e siècle de notre ère.

Un nombre considérable de nouvelles études ont été réalisées depuis lors avec des techniques photographiques, chimiques ou autres qui ont pratiquement discrédité les conclusions de 1984 faites sur un échantillon inadéquat et avec des conclusions mathématiquement inexactes.

Malgré les difficultés à suivre l’itinéraire exact de ce linge depuis Jérusalem jusqu’à Chambéry en passant par Édesse et Constantinople, on a bien à faire à un linge que l’on peut dater avec certitude du 1er siècle de notre ère, qui a séjourné à Jérusalem ou dans cette région à cette époque et qui porte les traces d’un supplicié dont l’image de tout le corps (face avant et face dorsale) est encore visible aujourd’hui (surtout si on arrive à la photographier en très grande résolution et avec des contrastes raffinés). Les très nombreux chercheurs scientifiques qui ont pu se pencher sur l’objet et/ou sur les relevés réalisés à partir de cet objet (voir la Bibliographie de plus de 100 titres aux pp. 438-446), ne s’accordent pas encore sur le mécanisme physico-chimique qui aurait permis la fixation de cette image sur la toile (un mode quelconque de peinture étant absolument exclu).

En restant dans le registre de l’événement “culturel”, il semble donc d’honnêteté intellectuelle de considérer qu’avec cet objet étonnant nous détenons une preuve historique complémentaire – si encore nécessaire! – de la réalité de l’existence, au 1er siècle de notre ère, d’un homme supplicié par le pouvoir romain à Jérusalem au début d’Avril de l’an 33.

Et, d’après les dernières découvertes, l’homme a été enseveli aussi solennellement que possible en la circonstance, selon les rituels Juifs pour des personnes de qualité (pièces de monnaies (leptons) sur les yeux, inscriptions en araméen, grec et latin pour authentification, résidus de fleurs offertes au défunt, lin avec lequel on confectionnait les vêtements des prêtres du Temple, etc).

Quand Jean (l’évangéliste) arriva avec Pierre au tombeau, il vit les linges à leur place (donc notamment un “linceul”) et le “suaire” (une autre pièce dont on peut faire l’histoire) roulé à part, mais le corps avait disparu. “Il vit, et il crut” (Jean 20.8).