Donner sa vie

Avril 2021

C'est l'axe central d'un Christianisme de Résurrection tel qu'une Foi chrétienne authentique veut le célébrer et le vivre au-delà de sa célébration rituelle à Pâques.
Donner la vie est de l'ordre de la création. Donner sa vie est de l'ordre de la résurrection.
Comment la vie donnée peut-elle être rendue en pleine conscience et pleine humanité? Cette question de la “ fin de vie ” reste inéluctable, mais elle peut être perçue très différemment selon les époques (et la nôtre particulièrement) et selon les cultures (plus proches les unes des autres que jamais auparavant dans l'histoire de l'humanité).

La Belgique, la Hollande et le Luxembourg ont mis en place des législations pionnières en matière d'euthanasie (la “bonne” mort… ou, comme l'appelle le théologien Hans Küng, la “mort heureuse”). La France suit avec sa loi Claeys-Leonetti sur la “sédation profonde”. Tandis que la Suisse accepte, dans un spectre très large de conditions (… et en payant le prix!), le “suicide assisté”.

Avant Vatican II, on pratiquait, dans l'Église catholique le sacrement de l'“Extrême onction”. Depuis, elle offre le “Sacrement des malades”.

Il y a 50 ans seulement, l'espérance moyenne de vie dans les pays industrialisés était de 75,9 ans. Elle est de 79,7 ans en 2021 pour les hommes et de 85,6 ans pour les femmes.
La population mondiale a doublé dans le même temps: elle est passée de 3.776.000.000 habitants en 1971 à 7.800.000.000 en 2020.

Christian de Duve, prix Nobel belge de physiologie en 1974, décédé en 2013 par euthanasie, considérait que l'accroissement démesuré de l'humanité sur la planète Terre condamnait la race humaine à l'extinction si il continuait au rythme actuel.

La réflexion sur la “fin de vie” va bon train comme on le verra, d'autant que la médecine a fait des progrès énormes et que les soins qui entourent le vieillissement (maisons de repos, unités de gériatrie, soins palliatifs, médecine régénérative) sont en pleine expansion.

Et des théologiens, notamment catholiques (comme Hans Küng ou Gabriel Ringlet, par exemple), ouvrent la voie à une réflexion fondamentale.
La pandémie du covid-19 (et, désormais, de ses “variants”) ne peut manquer de faire réfléchir toute la planète, non seulement du fait d'une augmentation brutale des décès, mais en forçant toutes les populations à réfléchir avec la “mort quotidiennement devant les yeux” comme le recommande la Règle de Saint Benoît (chap. 4) … et il ne s'agit plus d'un “exercice spirituel”!!

Les expériences de personnes revenues de situations de mort virtuelle sont explorées avec un intérêt qui permet aussi aux magnats de la presse (ici: Bouyges-Telecom) de créer des Magazines comme Science et Au-delà un trimestriel dont le n° 16 a paru en novembre 2020, avec en sous-titre: Vie après la mort, Paranormal, Réincarnation, Spiritualité!

Ceux qui ont “donné leur vie” pour suivre Jésus de Nazareth (il a dit :“ma vie on ne me la prend pas, c'est moi qui la donne”- Jean 10.17-18) ne devraient-ils pas être les premiers à témoigner de ce christianisme de résurrection … comment?

S. Benoît, selon le récit de sa vie tel que nous l'a donné S. Grégoire le Grand, a voulu “mourir debout” et s'est fait conduire par ses frères dans l'église où il a demandé à recevoir la communion eucharistique au Corps du Christ (ce qu'on appellera plus tard le “viatique”: une nourriture pour la route …)! Ma sœur Mariana a toujours affirmé qu'elle voulait mourir “vivante”; et, après avoir tenté de demander l'euthanasie à laquelle l'autorisait la phase finale d'un cancer douloureux, a fini ses jours, parce que son fils l'avait dissuadée de se faire euthanasier par crainte de dégrader son “karma” en cas de réincarnation, dans la remarquable première unité belge de soins palliatifs, celle de l'hôpital Saint-Jean à Bruxelles. Et j'ai toujours admiré la détermination de mon cousin Charles Poswick, (militaire, parachutiste jusqu'à 3 semaines avant son décès, premier Président du Parlement Wallon, deux fois Ministre de la Défense, etc) qui avait rédigé une lettre à son frère et à sa sœur, donnée aussi en copie à ses médecins les plus proches, et dans laquelle il demandait avec fermeté qu'au cas où il lui arriverait un accident à la suite duquel le diagnostique le condamnerait de façon à peu près certaine à devenir tant soit peu “dépendant”, il demandait qu'aucune action médicale ne soit entreprise pour le maintenir en vie. Suite à une chute (... consécutive à une petite thrombose?) il a pu rappeler, à ceux qui venaient l'aider, les volontés qu'il avait exprimées… et le diagnostique étant clairement une “dépendance” suite à cette chute, il obtint qu'on le remette dans son lit… où il est décédé cinq jours après!

Au-delà d'une spiritualité un peu morbide centrée sur la “souffrance rédemptrice” qui a prévalu dans la chrétienté surtout à partir de la Renaissance, on cherche encore les voies d'une fin de vie qui exprimerait mieux la foi en la résurrection! “Le” témoignage ultime du vrai croyant?

Pourquoi le législateur n'étendrait-il pas la loi actuelle en permettant un choix de “mort heureuse” à toutes les personnes qui préféreraient cette façon consciente de partir dès lors qu'elles risqueraient de devenir à charge des autres et de la société et donc menacées de dépendance? On pourrait imaginer une extension à toute personne qui aurait, auparavant, exprimé clairement ses souhaits de “mort heureuse” et qui, après l'âge de la pension, pourrait avoir à choisir cette fin de vie plutôt que la vie dans une “maison de repos” de style médicalisé ou en dépendance de soins médicaux lourds et récurrents … et, à condition que cette personne puisse prouver qu'elle n'a plus aucune “responsabilité” vis-à-vis de tiers (ménage, enfants, parents ou autres)!
Le même droit pourrait être offert aux condamnés à perpétuité ou à de très longues peines de prison.
Un “rituel” laïc pourrait être exigé afin que ce cheminement se fasse “dans la dignité”!

Mais, pour le chrétien, il serait assez significatif d'un “christianisme de résurrection” que l'on développe une célébration ecclésiale dans l'esprit du Sacrement des Malades: être mis dans une situation de dépouillement de tout (réconciliation pénitentielle?), en parallèle avec le Baptême, pour être assimilé à la plongée dans l'eau baptismale représentant le passage par la mort en vue de la résurrection en Christ; onction parfumée (comme celle de Marie de Béthanie sur les pieds de Jésus… en préparation de son embaumement! Jean 12.7) actualisant la présence de l'Esprit sur tout ce corps qui sera rendu à la création de Dieu; communion anticipée au Corps du Christ par le pain d'action de grâces pour ce “passage” (“pâque”, viatique); et, finalement, bénédiction de la “communauté” présente par celui qui va partir et qui “donne sa vie” pour que d'autres continuent de vivre et de témoigner de la résurrection!